jeudi 22 février 2007

Jour 22 : La Maison de notre enfance



A une quarantaine de kilomètres de Moulay Bousselham, à l'intérieur des terres, juste avant d'arriver à Souk el Arba du Gharb, se trouve l'ancienne maison de nos grands-parents. C'est là que nous nous retrouvions, enfants et parents, pour les vacances de Pâques et de Noël. Cap vers l'Est vers ce "monument" de mon enfance, avec my sweet Ginet toute heureuse de se dégourdir les rayons... Le ciel se couvre, il fait frais, un bon temps pour pédaler...




































De Moulay Bousselham, il faut à peine plus de 2 heures pour arriver à Siah avec my sweet Ginet qui se sent des ailes, sans bagages... Elle est là, immuable, la solide maison bâtie par notre grand-père. La haie d'épineux dresse toujours sa barrière verte, les 2 palmiers ont grandi, et il me semble que le temps n'a pas vraiment passé. Je ne sais pas, je ne sais plus si mes premiers Noëls sont vraiment si loin... En lieu et place du champ de chardons secs aujourd'hui, je me souviens du bleu d'un champ de lin d'antan... La haie d'oliviers plantée par grand-père est toujours là. Je vais fouler la piste comme quand j'étais petit garçon, traquant moineaux et tourterelles avec mon lance-pierre de chenapan...




La haie d'épineux qui entoure la maison n'a pas changé, à peine plus dense que dans mes souvenirs. J'avance à pieds en poussant my sweet Ginet. Je suis un peu inquiet. J'ai peur qu'on me refuse de passer la haie...











J'ai eu tort de m'inquiéter. Quand le maître de maison vient à ma rencontre, je lui explique le motif de mon voyage, ce pèlerinage vers mon enfance. Il est étonné que je puisse venir de France à vélo. Nous parlons un bon moment, et il m'invite à faire le tour du terrain. Je reconnais quelques grands arbres. La noëlla d'Aïcha a disparu, pareil pour le petit marabout de pierres blanches entouré de chiffons sacrés et de cactus. 




Plus d'éolienne non plus, mais le puits est toujours là, c'est une pompe attelée au moteur d'un tracteur qui envoie l'eau aujourd'hui jusqu'au bassin bâti par notre grand-père dans le grenier de la maison...







Nous parlons encore un bon moment avant de nous séparer. L'un des enfants haut comme trois pommes dit à son père qui l'interroge, qu'il est d'accord pour partir en France avec moi. Il se ravise in extremis en pleurnichant quand je l'invite à monter sur le porte-bagages en lui disant :""Yalla, tlah! Nmchiou daba!!""  Allez, monte, on y va maintenant... 





Il suffit de traverser l'oued Mda pour se retrouver du côté du douar de Nag. Khlifia, la matriarche, l'épouse de Nag, n'est plus là depuis 3 ans,  elle qui nous avait connus bébés... C'est Hafida, la première à me reconnaître, à peine étonnée de me trouver là, comme si j'avais quitté cette terre de notre enfance hier après dîner. Ensuite, les voix s'élèvent par dessus la campagne : ""Tiri, ould Lizet, Tiri, ould Lizet.."" Tous les 20 mètres, j'embrasse un descendant de Nag, puis Nag lui-même... C'est finalement une belle petite escorte joyeuse qui m'accompagne jusqu'à sa  maisonnette...















On me prépare sur le champ en moins d'une heure un tajine poulet/pommes de terre/fèves fraîches, avec un pain tiède meilleur qu'un bon gâteau, et un thé à la menthe que je sirote avec délectation... Je suis gâté, on évoque le temps jadis, les disparus, et la dureté parfois du temps présent... Des mots simples... On nomme tous les absents sans en oublier un seul. Des moments rares et immenses. Je n'oublierai jamais cette "mida" (table basse) dressée pour moi en deux temps trois mouvements. Ould Lizet, le fils de Lysette, était arrivé là du bout du monde, on le regardait manger en buvant chaque mot, chaque syllabe, chaque virgule, chaque silence, comme si il n'avait jamais quitté cette terre du Gharb...















Mohamed lui, habite à l'entrée de Souk el Arba du Gharb, c'est son frère Bousselham qui me guide à vélo jusque chez lui. Nous sommes tous les deux de la même année, le cru du siècle forcément, il m'ouvre sa porte avec émotion. Sa femme Mouina est absente, mais leur fille nous prépare à manger. Je mange donc à nouveau, le repas d'un frère ne se refuse jamais, je fais honneur à chaque plat et j'apprécie le thé encore une fois. Nous avons partagé nos jeux d'enfants avec Mohamed, nos souvenirs ont certainement la même couleur... Il m'ouvre son album de famille, je copie une photo où on le voit avec Aïcha sa grand-mère, et sa soeur Hafida qui m'a accueilli tout à l'heure à l'entrée du douar de Nag.









La belle soeur de Mohamed arrive à la maison juste quand je dois m'en aller. Il est un peu plus de 16 heures, je ne veux pas partir plus tard pour éviter d'arriver de nuit à Moulay Bousselham, ma bicyclette n'aime pas la nuit, même en ma compagnie. Elle est bien éduquée my sweet Ginet.







Sur la route du retour, une jeune bergère, et cette fleur que nous nommions "un berceau" quand nous étions enfants...











Non loin de Loujajna, à chacun sa monture, et on se croise en se saluant...







Le ciel est sombre et bas quand j'arrive à Moulay Bousselham à 18 heures. Il se met à pleuvoir copieusement dès que j'ai fini d'enfourner my sweet Ginet dans le garage de mon parrain. La nuit tombe dans la foulée, lourdement obscure. Mais j'ai une grande lumière en moi et rien ne saurait l'entamer. J'ai roulé dans une campagne paisible, j'ai retrouvé des bribes de mon passé lointain comme si toutes ces années d'absence n'avaient pas vraiment existé. Nous avons partagé des moments rares et simples sur cette terre du Gharb où nous avons couru enfants... Je me dis que je pourrais aujourd'hui choisir de rester ici... Je suis libre d'avancer, ou de jeter l'ancre. Je suis libre de mon destin, je suis LIBRE, libre de reprendre racine dans ce pays qui m'a vu naître. Demain, si la pluie cesse, je prendrai la route de Rabat...

Les chiffres du jour :
Moulay Bousselham-Siah-Souk el Arba du Gharb et retour : 99,56 km -  18,58 km/h




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