samedi 24 février 2007

Jour 24 : Mes premières écoles



Voilà ma chambre à Rabat-Agdal, à 5 minutes à pied de l'école Cézanne. Je suis logé chez Antoinette, personnage attachant, une figure de la ville : après Meknès et Taza, Antoinette s'est installée à Rabat en 1953, sa maison où je viens de passer ma première nuit, a donc été construite l'année de ma naissance, un grand cru, un millésime exceptionnel puisque sont nés également cette année-là la Bab, la Brotch, mon cousin Eric, comme moi LION de juillet 53, l'année où Hilary conquit le toit du monde avec son sherpa Tensing. Moi, j'y suis aussi sur le toit du monde depuis mon arrivée hier soir dans ma ville natale... Antoinette, 93 ans, a bon pied, bon oeil. Elle se rend à pied à la place Pietri, c'est son endroit préféré à Rabat, elle me dit que la médina s'est déplacée au centre-ville et que le quartier "chicos" aujourd'hui, c'est le sien. Tous les étés elle va faire un petit tour dans la maison familiale du Berry, mais chez elle c'est ici, à Rabat-Agdal... A 93 ans, Antoinette lit le journal et le dictionnaire sans lunette, j'en suis bien jaloux...



Aujourd'hui, promenade à pied dans RABAT-AGDAL, le quartier de mes PREMIERES ECOLESLa voilà ma toute première école, l'Institution Sainte Jeanne d'Arc à Rabatj' y ai mes souvenirs les plus anciens d'écolier, les bûchettes de couleur en bois et la pâte à modeler, un tablier gris, Madame Dick qui me faisait classe avec Maman en 11 ème, Madame Pernon, et les Soeurs. Mes soeurs Joëlle et Christine auront plus de souvenirs que moi de ce phare scolaire de notre enfance.











Après ma classe de 10 ème à Jeanne d'Arc avec Madame Pernon, j'ai fait ma 9 ème à l'école de l'Agdal avec Monsieur Maillet. C'est la seule école qui semble avoir disparu, j'ai arpenté les rues du côté du garage de l'Agdal, j'ai questionné un gardien de parking - ils savent tout, les gardiens de parking - celui-la m'a dit que la seule école du quartier était une école de piano. Et finalement l'épicier m'a confié que l'école avait été remplacée par un immeuble, les épiciers peuvent être plus savants que les gardiens de parking... Je me souviens de cette classe de 9 ème, j'y avais obtenu le premier prix de récitation, et quand Monsieur Maillet me demandait les origines de la famille, je n'avais su que lui répondre : "MOUROUX" !!! c'était la seule ville de notre lointaine France qui me restait à l'esprit, nous venions certainement d'y passer un été chez Tante Elise, à nous tremper dans l'eau glacée du Grand Morin... Ma 3 ème école, c'est Paul Cézanne, j'ai fait partie de la première génération d'écoliers pour une rentrée inaugurale : ne cherchez pas, il n'y en a eu qu'une de rentrée inaugurale, et moi j'y étais, tout simplement.




Avec ceux de la rentrée inaugurale, nous avons couru ensemble dans cette cour de récréation, je me souviens de nos jeux d'enfants, les billes, les toupies, les noyaux d'abricots. Je me souviens d'avoir mangé des abricots plus que de raison juste pour collectionner leurs précieux noyaux... Nous en faisions parfois des sifflets : nous frottions une face du noyau sur l'aspérité d'un mur de ciment jusqu'à y faire un trou circulaire. Après avoit vidé l'amande, nous soufflions en posant notre lèvre inférieure de bambin au bord de l'orifice. Aujourd'hui, c'est samedi, pas de sifflets stridents, pas de cris dans la cour, pas de courses folles, pas d'écoliers, juste le souvenir lointain de ce que nous avons été...







Salut les petits artistes aux yeux de fourmi, salut Imane, Inass, Lola, Razane, Rita, Syrine, c'est beau et rare Syrine, Victoire, moi aussi j'ai fait mon CM1 à Cézanne, et aussi mon CM2, c'était dans l'autre millénaire....







Mon 4 ème établissement scolaire, ce fut le grand Lycée Descartes, là aussi, j'ai encore fait LA rentrée inaugurale, ne cherchez pas, une seule et unique génération a pu faire la rentrée inaugurale de Cézanne et 2 ans plus tard celle de Descartes, et c'est ma génération. Pour cela, il fallait naître impérativement au début des années 50 hé hé. Le lycée Descartes longeait la rue des Cadets de Saumur où nous habitions. J'étais à 3 minutes à pieds du portail d'entrée. Un grand salut à tous mes professeurs dont il me reste quelques noms : Mr Mantel, Mme Sériot, Melle Sableyrolles, Mr Ballorin, Mr Perodin, Mme Bentolila, Mr Godard... J'ai fait à Descartes ma 6 ème et ma 5 ème, avant le départ pour la France, en juillet 1965, le mois de mes 12 ans...



Côté Est, le lycée Descartes est longé par la rue des Cadets de Saumur, notre rue. Le 87, c'était là-bas, tout au bout du goudron. Là où sont dressés ces immeubles blancs résidentiels, il y avait un parc de 2 hectares, avec des arbres plantés par notre grand-père au tout début du XXème siècle, dans l'autre millénaire... Il y avait un petit pavillon, des fleurs, un potager, une éolienne, un grand bassin vert avec des poissons-rouges, des gambusias, des rainettes fluo, des nénuphars, des arbres de Judée, des chênes de Virginie aux belles fleurs jaunes-orangées que nous nommions arbres-chinois, des mandariniers, des orangers, un goyavier, des palmiers, des pois de senteur, des mimosas, des feuilles d'acanthe sous les grands mûriers, des anémones qui faisaient le délice des cétoines, des freesias, des glaïeuls, des montbrésias, je les adore ces fleurs-là, je me souviens d'un bouquet plus grand que moi que maman m'avait donné pour une de mes maîtresses de primaire, et comme j'étais forcément un peu amoureux d'elle, j'avais éprouvé un certain trouble à lui offrir ce grand bouquet. Dans le jardin disparu de notre enfance, il y avait encore des ficus, des jacarandas, des filaos, des pieds de marguerites, blanches ou jaunes qui dépassaient nos têtes d'enfants, un poulailler, nos chiens Pata et Cannelle... Il y avait la ligne bleue de l'Atlantique au bout de la ville blanche, il y avait l'insouciance merveilleuse de l'enfance, et les oiseaux, merles, loriots, huppes, bouvreuils, tourterelles, moineaux, chardonnerets, queue-rousses, bergeronnettes, verdiers, pies-grièches, pinsons, fauvettes dont une baguée en provenance de Hollande... Il y avait là tous les oiseaux du monde.... J'ose à peine m'approcher du bout de la rue, il y a là-bas l'absence du JARDIN DISPARU de notre ENFANCE...



Le souvenir le plus fort qu'il me reste de l'entrée principale du lycée Descartes, ce n'est pas ma première rentrée inaugurale dans "la cour des grands", mais l'annonce de l'assassinat de J-F KENNEDY, un jour de novembre 1963, je m'en souviens comme si c'était hier, c'était la rentrée de l'après-midi, 13h30, l'onde planétaire de cet événement était venue cogner à nos cervelles d'enfants...



Juste en face du grand vide de mon enfance, il y a Pie X, notre première église, immuable : je retrouve-là une pièce vitale de mon puzzle. Je suis entré par un petit portail entrouvert ce samedi, et dans le bureau du père Arigoni, j'ai trouvé le père Piou. Je lui ai raconté mon voyage, mon pèlerinage, mes années d'enfant de choeur avec le père Arigoni, le père Garcia, le père Mainvielle, le père Michon, je lui dis qu'aujourd'hui encore je pourrais chanter le "Tantum ergo" en latin, il m'ouvre les portes de son église que lui a confiée le père Michon, devenu évêque. Il me raconte son passé de Père Blanc en Afrique Noire, son oeuvre, et tous les travaux de rénovation et d'entretien qu'il a réalisés dans et autour de l'église. C'est paisible, une Foi qui coule comme une eau de source et qui peut déplacer des montagnes... Moi, le petit enfant de choeur de Pie X, je m'interroge encore sur l'existence de Dieu. Il parait que c'est cela le commencement de la Foi... Le chemin est peut-être encore long...







Tout le jardin de notre première église Saint Pie X est l'oeuvre du Père Piou, l'angevin, guidé par sa foi, nous  évoquons bien sûr la douceur angevine chère à Joachim du Bellay...




Devant l'entrée principale de Pie X fleurissent les drapeaux du Royaume Chérifien...



Le père Piou m' apprend que le jardin d'enfant "La vie en Rose" a été fermé quand la dame qui a pris la suite de Maman, sa fondatrice, est partie à la retraite... Le père Piou est fier de son oeuvre, heureux que la messe remplisse encore  l'église chaque Dimanche...















Le chemin de croix de l' Eglise Pie X, c'est le chemin de la vie, nous avons tous notre croix posée sur l'épaule...











Le père angevin me raccompagne jusqu'à l'entrée principale avec une sérénité qui fait plaisir. J'avais envie de lui demander si sa foi n'éprouvait pas parfois quelques doutes, il m'aurait dit sans hésiter les mots qui font dépasser sereinement toutes les incertitudes... Salut mon père PIOU, merci pour la visite, et bravo pour votre oeuvre, longue vie à l'église Pie X...
Ce soir, le compteur de my sweet GINET marque 2179,16 kilomètres. J'ai parcouru depuis mon départ d' Alès le 1er Février 2179,16 kilomètres. Il faut en faire du chemin pour rallier enfin le coeur de sa ville natale. Demain, si tout le monde est bien sage, j'ajouterai quelques dizaines de kilomètres au compteur en sillonnant les rues de la plus belle ville du monde, de l'Agdal à l'Océan, du Souissi au Bou-Regreg...




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